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vendredi 31 mai 2013

Chercher la lune

J'ai mené ma vie
Et j'ai parcouru 
Des terres fertiles
Ou arides sans
Me retourner.

Ce soir quand la 
Lune sera haute
Juste avant qu'elle
Redescende je
Partirai à l'inconnu
Tâtonnant contre 
La paroi rude.

Je rejoindrai le
Pays de mon destin
Et devant la face
Lourde de l'astre 
Je plongerai au 
Delà du néant.

C'est là que j'imagine 
La vie. 

 

La tentation de l'ailleurs

Tentation de l'ailleurs,
du départ soudain, irréfléchi,

vers des terres connues et trop
longtemps délaissées, envie de pas
rapides et sonores dans la nuit de

gin tiède. Fermer les yeux et ne plus
savoir dans quel coin de la ville on est,
partir au hasard des rues et attendre

l'aurore qui glace les épaules et alourdit
les paupières. Partir sans se retourner
et même partir s'en vraiment s'en aller.

S'inventer un départ et succomber soudain
à la tentation de la fleur.

L'amante anglaise

J'ai longtemps tardé à jouer
et jouir du titre de Duras,
L'amante anglaise.

La menthe anglaise, la menthe
en glaise, l'amante en glaise,
âmes, éléments, végétation

se mêlent et se recouvrent pour
mon plaisir égoïste. Du temps où
la cuistrerie tenait le haut

du pavé, on définissait le titre
comme un "archonte en situation
de marché"... Bigre, la belle

affaire. Moi, tout simplement,
je joue avec la tranche des livres,
leur couverture et leur titre.

À mes côtés, un néopolar catalan,
tout frais (il n'a pas un semestre),
Lluny d'aquí, loin d'ici.

J'y suis entré naguère mais par delà,
le sens qui peu à peu s'impose, il y a
la tentation de l'ailleurs, l'appel de mon

cœur.

Rose

Un lac de crème glacée
Ou bien des salines de
Camargue? Un paradis
Pour les flamants?

Je ne sais, et qu'importe
Qu'il soit monde des
Crevettiers et miroir
De poupée. J'aime 


Cette révélation couleur
Bonbons. Elle est comme
Mon cœur d'amante, rose
D'avoir été aimée. 

Marelle dorée

Un jardin japonais en
Automne, un chemin
Tracé entre la mare
Et le parterre de feuilles.

Une marelle de cour 
D'école pour les enfants
Qui ne savent pas encore
Ce que sont le ciel et l'enfer.

J'aimerais sauter sur ces
Dalles fragiles et belles
Dépasser l'endroit mouvant,
Sentir la fraîcheur des arbres.

Continuer vers les géants
Orangers et frêles, haie 
D'appel au présent des
Heures qui seront rêvées.

Le voyage au Cheylard

Ce ne seront que quelques heures
et déjà elles me tardent. J'ai préparé
hier soir les légumes farcis dont il se
régalera une fois le retour consommé.

La terre aura-t-elle séché qui porte
la mémoire ? Qu'importe. Les discussions
nous feront aller haut

et nous partagerons le pain et le fromage,
avec une pensée pour un autre séjour il y a

quinze journées qui l'enchanta, je sais, et ne le quitte plus.

Le poème perdu

D'un glissement de doigt, il est parti,
loin de la tablette vive qui le gardait.

Je n'ai pas voulu le retrouver ni de mémoire
le réécrire. Non, le monde était trop dur

pour lui, les mots insuffisants. Il parlait,
je crois, de roseaux vifs et de toi, ma
dialoguante. J'imagine qu'il vous a retrouvés,

à l'aube près du canal ou de l'étang vendrois,
susurrant à l'oreille de la grue cendrée les

deux trois compliments que maladroitement je lui
enseignai, à lui, mon Pinocchio de vent et de roseau.

jeudi 30 mai 2013

Les roseaux de Jean-Pierre Lafitte

Le roseau vit sous sa voix
qui pourtant a séché et
jauni dans l'huile de lin.

Cinquante-trois années
n'ont pas suffi et me voici
en pirogue au rivage inconnu.

Le temps s'arrête. J'apprends.
La flûte double au bourdon grave
lancinant, les flûtes de pan,

fifres et galoubets. Les mots
ricochent et les harmoniques
naissent. Que sec est le boisseau

qui jonche la table. De la javelle
rustique, il n'est rien resté. Pourtant
le façonnier nous glisse les clés

de la maturité. Mais le roseau n'est rien,
tube informe où l'on pourrait percer les trous
à l'instinct, musardant lime en poche.

Tout est dans l'anche, maîtresse des tons
et des sons. Une clarinette naît et voici
que joues et ventre se gonflent

en rythme asynchrone. Deux heures ont passé,
ma pirogue repart pour Vendres, sa lande
et ses oiseaux. En moi, les roseaux chantent.

Pompéi c'est sûr !

Parcourir la ville des cendres
Est un labyrinthe vivant. 
Une entrée où la nature
N'a pas encore repris son dû,
Entre pierres tombales et vues
Sur  l'imposant Vesuve.

Une ville sans toit et sans porte,
Mais des passages piétons  vieux
De deux mille ans. Un tout petit
Amphithéâtre qui aurait abrité
Spartacus et ses acolytes.

Un sexe masculin tel une flèche
De direction qui nous montre
Le lupanar, espace préservé!
Un forum à l'abandon et une
Maison du faune trop piétinée.

A la sortie de la ville des plaisirs
Des marchands ambulants,
Hilares qui tendent aux passantes
Effarouchées des verges noires
Surdimensionnées à deux euros. 

J'adore y flâner au petit matin
Où l'on croise quelques chats
Et des guides qui répètent en
Murmurant leur éternelle chanson
Sur le 24 août 79 qui en réalité
Aurait été le mois d'octobre 
De la même année.
 




 

Deux

C'est mon chiffre fétiche, depuis ce lointain jour
où je montai une bicyclette jaune portant ce numéro.

Tes deux mers, sans rien montrer, sont à l'image de
ces poèmes que nous écrivons deux par deux, en répons

et qu'ici je brise en un trois facétieux qui se voudrait un deux.

Calculs

J'aime quand tu me fais la nique,
je me croyais le roi des centaines,
le maître incontesté des nombres

et des calculs. Puis tu me surpris,
espiègle, avec tes trente jours comme
deniers de Judas. Et depuis je souris,

riche de découvrir le monde, sous tes doigts
et ton rire, alors que la semaine glacée glisse
vers l'occident et que ma main te cherche,

inexorablement.

Virgile, bien sûr

Un professeur de catalan ayant suivi l'option latin
à un concours de recrutement, ça n'existe pas !

Et pourquoi pas ? S'il a connu Virgile de la main
de sa douce et de Géorgiques en Bucoliques s'y

est laissé guider. Les frontières sont le repos des
convenus ou des ennuyés. La passion vous les fait
sauter comme guirlande de cèbes avant la fricassée.

Avant elle, le latin m'ennuyait -et que dire de la messe,
si peu chère à Brassens ?-. Elle sut m'en révéler le sel
et l'âpre humanité. Par elle, je saisis les corps figés

de Pompéi pourtant jamais visités, tout juste imaginés
une heure au coucher des Pink Floyds. Si vous fouillez

parmi mes vers, amis lecteurs, pour sûr y trouverez
la trace du chemin conjoint que nous y fîmes, en Virgile.

Le trente du mois

Trente jours de la vie,
Trente jours de pluie,
Et des milliers de
Lettres gravées 
Sur l'écran blanc.

Pas assez me dis-tu
Alors je continue
Et t'offre ce parapluie
De livres tendu pour
Trente jours de plus.

Il me plaît de composer
Pour te donner encore
Pour trente ans mes
Caresses portées par le

Vent.

Deux mers

Rêve d'un soir
Sur les deux mers
Réunies depuis 
Le réveil du jour.

Deux mers comme 
Deux "moi" face 
A face ou comme
Ce dieu latin à 

Double tête. Deux 
Lacs comme nos
Yeux dilués et fixes.
Deux eaux qui s'aiment

Et boivent à la même 
Source. Nous avons
Grandi pour devenir
L'océan de la terre.   

Caresse du vent

Caresse du vent sur le sable,
douceur de la main d'un dieu

roux. Le soir t'ébouriffe et le matin
virginal te peigne, dune exigeante

et chérie. Prométhéenne ascèse qui
guide mon pas vers le plaisir étrange.

Jour après jour, nuit après nuit, trace
pour moi des périples de silice...

Cadavre exquis

Le cadavre est exquis quand il nous lie,
nul pli de papier ni succession de phrases,

nos poèmes s'entrecroisent sur un rythme
imprévu. Longueur de langueur, langueur

de longueur. Je te lis pour mieux écrire. Tu lies
mes syllabes comme baisers en paume. Toujours
le hasard abolira mon coup de dés. Tu dis "igloo"

et le froid m'assaille, tenaillant ma main qui pensait
naguère à l'Orient. Est-il plus belle liberté que celle
qui naît de la tendre contrainte ? Te lire, c'est agencer

mes livres dans les pas de tes livres qui, il n'y a pas
si longtemps, étaient les nôtres. Apulée, où es-tu qui

guida ma frappe en miroir infime de ce que pour moi
tu fis, il y a trente ans, il y a si peu, il n'y a plus rien du tout ?

Mon igloo

L'enfant qui jouait
A la libraire et à
Lister ses quelques
Bibliothèques vertes 
A grandi.

L'univers pour elle
S'est rétréci dans
Le froid des sentiments. 
Seuls les murs rangés 
L'entourent.

Dans ses espoirs elle
A construit son abri
Dans l'écrin des mots
Qu'elle tire et range 
Pour elle.
 

Dune

La grande dune
Sème ses grains
Sur le littoral venté.

Les sternes envolées
Craillent dans l'air 
Bleu et violet. 

La marche est rude, 
Aucun appui nulle
Aide. C'est un nouveau

Calvaire. A petits pas
Serrés je grimpe sans
Regarder, penchée 

Sur l'ocre glissant. D'un
Côté des pins élevés
De l'autre la plaine

De la mer. 

 

Le son du silence

Parfois le silence me réveille.
Par son bruit. Grave et long.
Comme un point d'orgue.
Oublié.

Car le silence a un son. ou même
plusieurs. Celui de tes attentes,
de mes désirs. De m'imaginer
te lire

occupe tout mon esprit et le sang
retenu bat à l'ouie. Que viennent
mois et semaines et ensemencent
ce son. Ami.

La naissance de Lorca

Une amie précieuse me confie
quelques mots sur la naissance
de son poulain. L'attente de deux
jours, la nuit blanche à la belle
ondée sous une couverture improvisée,

la robe de la jument couverte de sueur,
mon amie s'endormant épuisée, la démarche
de vieil ivrogne du poulain nouveau-né, lequel,
depuis trois ans, sans jamais avoir été monté,
berce ses nuits sans trêve de son ombre galopante.

mercredi 29 mai 2013

La Maison de la poésie de Montpellier

Excroissance cubique d'un vieux moulin oublié
par l'architecte d'Antigone. Telle apparaît la toute
petite Maison de la poésie de Montpellier. Des murs
gris, de nombreuses chaises, quelques rayonnages
serrés avec de bons ouvrages, rangés au hasard des hasards.

Nul espace ouaté pour les apartés ou la méditation heureuse.
Non, un espace anonyme et clos, lumineux tant que faire se
peut en cette fin de journée. L'essentiel est ailleurs. Dans les
personnes qui s'y tiennent un moment

Au centre, sans affectation, le corps fatigué mais pétillant d'intelligence,
Jean Joubert accompagné de son épouse. Autour d'eux la garde rapprochée
des poètes et bénévoles, souvent âgés. Un, plus jeune, poète de qualité

et que tu connus quand il cherchait ses enfants à Jeanne d'Arc, Pierre
Grison, avec qui je parle un brin. Puis vient le récital d'Aurélia Lassaque

en mano a mano avec son éditeur, Bruno Doucey, au son d'un alto : un délice.

Monde d'en haut

Le monde d'en haut
Posé sur une tranche
De nuages dessinés
Est un secret chuchoté.

Ses créatures font des
Gestes dans la lueur
D'un soir d'automne 
Sans appeler personne.

Quand le froid s'installe
Le roi de ce pays sautille
Il range ses objets sur la table
Et fait tomber le plus précieux.

Quand je lève les yeux 
Je le vois et me précipite
Pour recueillir en hâte
Cette retombée des cieux.

Maison de la poésie

A la maison de la poésie 
Je n'y  vois pas de causeuses
Ou de divan en velours beige.
Encore moins les marbres des 
Maîtres  qui nous ont marqués.

A l'entrée j'imagine des vitrines
Avec quelques manuscrits de
Verlaine ou de Char qu'un
Vieil agriculteur a retrouvés
Dans son grenier poussiéreux.

Au centre, une salle ronde aux
Néons lumineux pour les amis
Des poètes.Des gradins moelleux
Font face à un autel de bois parfumé.
Autour des bibliothèques chargées
D'ouvrages verts à la tranche dorée.
 
Des petites pièces enfin, cellules préférées
Des heureux qui ont trouvé la clé des
Mots et qui vivent là, immobiles, à créer 
Leurs mondes sur du papier gaufré 
Qu'ils liront  sans jamais cligner des yeux.

Un tout petit four rouge et noir

Luxe inouï pour qui sort de l'adolescence,
l'appartement a besoin d'objets pour poser
la marche et fixer le lieu.

Pour certains, c'est la couche des amants,
pour d'autres les rideaux qui préservent
l'écrin. Pour toi ce fut le four,

un four petit car nos moyens étaient minces,
avec sa grosse molette et sa porte qui
brinquebalait, brûlante.

Tu y faisais merveille, présageant les enfants
que tu régalerais de petits plats douillets
et de souvenirs par milliers.

Frappe

Tu es penchée et frappe vite,
ta vitesse m'étourdit, moi qui
n'ai jamais su taper qu'à deux doigts.

La machine blanche est lourde, électrique,
notre grand fils s'y coincera un jour les
doigts, provoquant une cocasse scène hospitalière.

Les articles s'y succèdent comme sa grande sœur
mécanique, orange, le fit pour la thèse. Un peu
de blanc ou retaper la page, tu t'oublies à la

tâche et je ne suis pas conscient qu'en t'y abîmant,
c'est toi qui t'oublies, c'est toi qui t'abîmes. Je
ne vois que ton cou penché qui frappe. Avec amour.

Chaussures

Te souvient-il de ces grosses chaussures
dont nous préparions nos randonnées l'été
au cœur des monts ?

On les laçait fort, repliant la chaussette sur
la cheville nue. Les enfants gravitaient dans

un sérieux impressionnant. Le goûter serait
tiré du sac. Jusque là nous marcherions,

leurs pas dedans les nôtres.

mardi 28 mai 2013

mon reve

Il me prend souvent
Un désir subit de posséder
Toutes les couleurs dans 
La main. Frénétiquement 
J'erre dans l'espoir de grappiller
Ici ou là des stylos très fins encore
Intacts. J'aime les posséder, les
Contempler. A peine les toucher,
Tant la multiplicité m'attire. Et pourtant
Je voudrais tellement les tenir et
M'en servir définitivement et ne pas les
Ternir. Alors je les respire, les fait
Rouler de côté, les range et me 
Persuade qu'un jour prochain
Ils seront réellement à ma main
Et guideront mes doutes. Ils donneront
A mes doigts la force primaire 
D'écrire pour ne plus jamais souffrir.

Il est des livres...

Il est des livres qui guident la marche
et orientent la vie. Le piéton de Paris
de Léon Paul Fargue est de ceux-là qui

tiédit en haut de mon étagère, le dos sec
et les pages jaunies. Un romancier ami
me confiait naguère, alors que nous parlions

de son village natal, scène de certains de
ses romans, qu'il n'est de lieu qu'imaginaire
et que l'espace n'existe que dans le souvenir,

lequel induit le conte et la description. Mon Paris
est de cette pâte. Ses quais ont été frôlés par
Fargue à la démarche lente et ses îles naissent

de l'écho des Choses vues de Hugo. Je ferme les
yeux et le voyage commence, entêtant et statique.
Fargue me glisse à l'oreille :

« Vous vous faites une idée réaliste et raisonnable du voyage.
Mais on ne voyage pas pour des choses raisonnables, pas d’avantage
pour des choses réelles. Au terminus de votre ligne, et de toutes
les lignes qui la prolongent, et de toutes les lignes du monde,
il n’y a pas de choses sérieuses, il n’y a pas un rendez-vous d’affaires,
il n’y a pas un billet de banque, il n’y a pas même un sentiment.
Il y a un fantôme. »


Vague

La vague de ton cœur
Est une fleur de merveilles
Chaque jour tu me

L'offres sur le plateau des
Dunes au bras de l'horizon. 
 

Tombe la pluie

Tombe la pluie, je te lis.
Mots ciselés. Rencontres
Soleil. Je te devine écrivant

et je me glisse, sous l'averse,
à l'abri d'un toit petit. Gouttes
de pluie. Désir d'infini.

Carrefour

Le dieu des carrefour
Est un petit malin. 
Posté à la croisée 
Des chemin il regarde. 

Tantôt des rencontres
Soudaines où les coups
De foudre se prennent
Amoureusement la main. 

Tantôt des séparations 
Cruelles et injustes qui
Font pleurer les mères
Derrière le rideau des fenêtres. 

Et ce génie des rues dans 
Sa tendresse a toujours
Dans le creux de ses flancs,
Une place pour les âmes perdues. 

Tanka rouille

Une poursuite folle,
Des chiens roux recherchés dans
Tout Rome. Étrange 

Robigalia d'Avril  contre
Des blés ocres et rouillés.  

L'âme des objets

Les objets ont-ils une âme ?,
pensé-je en tapotant l'acier
gras et chaud d'un wagon oublié.

Une amie précieuse me glisse que oui
en me parlant de la vie seconde des
intérêts locaux sur la côte landaise.

Wagon. Que l'on prononce ici comme
voiture. Et comme ouate dans le lointain
nord où je suis né. Les ouagons étaient

uniformément verts dans mon enfance. Rivés à
la terre, ils prenaient parfois le ferry pour
l'Angleterre, sous le képi débonnaire de mon père,

capitaine des Douanes au quai Frayssinet. Tes wagons
de l'enfance, plus fins, plus bruyants, ont-ils une âme
commune ? Je ne sais. Les objets ont l'âme de qui les sert.

Wagon

En été les gens se pressaient
Ils couraient après ce petit train
Qui allait leur faire voir la mer. 

Beaucoup s'accrochaient à 
Lui, d'autres dégoulinaient 
De chaud, certains parlaient

De moustiques qui les piquaient.
Bruits, regards échangés, sueurs
Et rendez- vous, tant de souvenirs

A la Dubout. Deux, trois vestiges
Du passé attirent encore les étrangers.
Nos ancêtres, eux, sourient tendrement. 

Et ce petit train vit encore dans
Des contrées océaniques ! Retapés,
Ses wagons véhiculent les curieux

Venus visiter le village landais. 

lundi 27 mai 2013

Le petit train de Palavas

Le petit train de Palavas
n'est plus que jamais je ne pris.

De Chaptal à la côte il dévidait
ses fils d'argent parmi les ronciers,

à petite vitesse, secoué de cahots,
empêtré de grappes humaines voyageant

sans le sou. Une locomotive ripolinée
et son wagon, c'est tout ce qu'il en reste

sur deux rails bornés de dix mètres de long.

Farfadet

Un farfadet malicieux
échappé du creux
De son arbre en fleur
A donné rendez-vous,

Sa mélusine lui a joué 
Un mauvais tour. Elle
A fui au pays des glaces
Chez son cousin troll. 

Depuis notre lutin est 
Tout chagrin. Il a supplié 
Le nain farceur de l'aider 
A construire son logis.

Aussi quand j'arpente
La forêt je m'arrête chez
Lui pour boire le thé qu'il
Avait préparé à sa promise.  

Au bout du labyrinthe

Au bout du labyrinthe
est la rencontre. Gauche,
droite, droite puis encore
gauche. Un quart d'heure s'écoule.

On dirait un cheval à l'amble
dans le manège. Je me concentre
sur ses mouvements à elle, et je
me colle à la danse du lourd véhicule.

De temps à autre, je devine son visage
derrière les lunettes noires, un petit
geste, les années s'effacent. Je la revois
au volant de sa Renault blanche, au même
lieu ou presque. Nous avions fait halte

et nous nous étions connus. Je ne vois pas
les édifices qui bordent le labyrinthe, une
ou deux enseignes bleues, tout au plus. La
laideur du lieu ne m'atteint pas mais voici

qu'elle se gare. Et moi à ses côtés. Le reste
importe peu. Nous marcherons lentement, intimidés,
nous mangerons complices et nous repartirons
nous asseoir au soleil. Peu de choses. Deux sourires.

La libre contrainte

Contrainte de forme
qui étrangle pour mieux vous
libérer. Enfin.

Le hasard

Le hasard est en nous,
depuis longtemps. En tout cas,

bien avant ce mois fécond
en vers et en attentes.

Une promesse, une réponse,
la confiance dans le temps

qui passe. Main caressante et
chaste qui s'enracine pour apaiser,

pour s'apaiser. L'heure est à la pause
et pourtant nous avons déjà mangé.

Du vert, du rouge et du blanc carnassier.
Ah la belle Italie. Le temps qui nous avait

unis nous a repris. Nos routes ont divergé.
À peine. La langue, à distance, nous reprend...


Âge d'or

Saturne a voulu
L'âge d'or pour lui et les
Hommes valeureux.

Ni souci ni crainte, en
Reine, Nature créait. 

Hasard

Le hasard curieux s'est 
Dévoilé au détour d'un
Virage emprunté à cette
Heure de la journée. Une
Reconnaissance spontanée. 

Puis une émotion, des gestes
Et des sourires. Nous 
Avons repris la route 
De nos jeunes années
Et nous avons roulé. 

Repoussés d'un premier
Refuge, nous avons partagé
Repas et murmures dans
Ce coin propret et nous 
Avons marché pour mieux

Sentir nos pensées. Assis
En adolescents nous nous
Sommes chauffés au soleil
Voilé, devisant en adultes
Pourtant. Quelques minutes. 


 

Temps revenu

Les piaillement des oiseaux
Entre par la fenêtre ouverte
Au loin le ronronnement des
Voitures, les exclamations
Des enfants accompagnés
A l'école de mon quartier.

Le chat assis sur son coussin
Jaune suit du regard le vol
Des martinets et rêve de les
Attraper. La cloche du proche
Boulevard appelle les parents
Retardataires. Il est neuf heures. 

Tout est prêt dans mes affaires et
Dans ma tête. Depuis quelques 
Heures un sourire trotte sur mes
Lèvres. Le soleil est revenu et,
A la suite de son char tous les
les instants de l'été se préparent.
  

dimanche 26 mai 2013

Petits pieds (réponse)

Petits pieds blancs et pâles
sous la pluie. Las, épuisés,
la peau fine sous les doigts.

Les masser longuement, yeux
clos, paroles suspendues,

jouer du pouce et du gras de la
paume. Les délasser. La pluie
cesse et la lune apparaît.

Même pâleur, froideur d'une
brise soudaine. Emmaillotter

les petits pieds dans une couette
improvisée. Sommeil soudain.
Silence. Patience

Petits pieds

Les petits pieds de 
Sichuan sont gravés
Dans le bitume des
Chemins longés par
Les lupins multicolores. 

Les femmes avancent 
Sagement en effleurant
Les carrefours de leurs 
Orteils encore meurtris
Par une tradition injuste.

Il me vient parfois à l'esprit
Que mes pieds aussi se
Sont raccourcis et que
Je suis entravée dans un
Marasme de mauvaise habitude. 

Figée, engluée dans la vase
Et le dégoût de l'indifférence
Je marche péniblement en
Traînant derrière mon ombre
Les chaînes de la la colère. 

Drapeau bleu

Deux drapeaux bleu cobalt
Fichés dans le sable jaune
Comme celui du désert. 

Une chaise haute à deux
Places. Les pieds crissent
Sous les galettes salées

De la plage. Marée haute
La foule se rassemble et
Danse dans les flots tumultueux

De l'Atlantique qui charrie 
Dans ses remous les amibes
Violette qui s'échouent  telles

Des ballons d'hélium de la
Fête foraine. Des cris, des
Planches. C'est dimanche. 

Une coupe triste et froide

Une coupe triste et froide,
sans nappe pour la supporter,

sans personne pour la caresser,
y déposer des fruits, de la monnaie.

Une coupe au dessin simple et alterné,
hors du temps et des modes. Nouvelle

modalité des sichuanais Yin et Yang ?
Non car les deux se prolongent et s'unissent.

Le même et l'autre enfin réunis, irrigués
par l'ombilic sans fin. Couleurs froides et

douces, fond stellaire. Le temps n'est pas
qui pourtant pulse. La coupe a le dessin

de la paume et le dessein de la pomme.
Quête tranquille, apaisée. Désir retenu,

elle attend. Ta joue, tes lèvres, ton sein,
ton âme. Ou peut-être les vers de qui

la façonna et l'enfourna encore incolore,
à Saint-Vincent, banlieue de Perpignan.


Petite musique

Combien de tours de clé
sur le boîtier rond de chacun
des quatre ? Petits, couvés.

Tu tournes, je tourne, la musique
s'égrène, les années passent. De nouveaux
naissent à l'écoute. Leurs aînés découvrent

la nostalgie de la mélopée, de la lente litanie.
Nos voix se surimpriment. Bientôt la musique
se taira. Seule restera la voix. Partagée.

Ils t'ont fêtée. Présents ou absents. La petite
musique n'était plus. Crois-tu ? Moi j'ai entendu
son tintement jusqu'à la toile cirée jaune de Perpignan.

Poulet à l'ananas

D'un V à l'autre V
Ils se sont régalés
De poulet et de fruit frais.

Goût doux et acidulé 
De l'ananas venu 
D'un autre continent.

Une sauce sucrée, un 
Brin de fermeté qui 
Donne envie à l'exilé.

Un autre plus réticent
Ne marie jamais salé
Sucré. Qu'importe,

Quand il reviendra sous
Les cieux moins frais 
Il mangera d'autres mets.

Je leur donne à chacun
Un peu d'eux-même et
Tout de moi-même.   


Quatre cents


Quatre cents poèmes croisés en si peu
de jours et de nuits. Quatre sans coup :

nos enfants aimants éparpillés et qui se
pressent autour de toi. Me viennent les

confidences glissées. Vos repas au restaurant
de fromage, le regard pétillant des enfants.

Chanel n° 19

De tous tes parfums, il fut mon préféré,
dans son étui étroit de carton blanc.

Fleurs assagies, réservées, distillées
sur la peau hâlée de l'été débutant.

Les yeux se ferment et le parfum revient,
entêtant, jamais capiteux. Musique des

cassettes que nous composions. Équipement
élémentaire où le son détaché prenait la

couleur des sourires.

Une fin d'été

Une fin d'été suffocante,
un jardin provençal et
nos respirations saccadées.

Pas un souffle, les cigales
ont terminé leur symphonie
de la journée. Dans l'air,

le goût fondant des lourdes
figues, les herbes ont brulé,
les courges s'alourdissent.

Il ne reste que le fort parfum
du fenouil acre au palais.
Sur la margelle d'une antique

meule, quatre têtes penchées,
actives dans l'effort répété.
Elles découvrent, en forçant

la coque, le fruit de l'amandier
bientôt grillé et salé. Leurs
parents dans l'ombre de la

maison vont et viennent et
montent à l'étage le trophée
de leurs petits, si bien aimés. 



Une mère

Dors paisible, les mains sur ton ventre croisées,
tes enfants ont grandi qui battent le pavé.

Il n'y a pas si longtemps leur peau était fragile
et ton regard aimant s'abreuvait de leurs larmes.

Qui une fleur, qui un baiser, je les vois déjà, tous
les quatre, tout aimants, te faire leur hommage

car par toi, un beau jour, ils sont hommes venus.

samedi 25 mai 2013

Coulées

Peinture de coulées
Appel de l'eau grise 
Dans l'aube d'un matin
Sans soleil qui garde
L'empreinte de coups
D'épis blond éveillé.

Des tâches plus foncées 
Bateaux amarrés ou épaves
Remontées des profondeurs.
Nul être vivant dans cette palette
Et pourtant j'aime imaginer tous
Les chuintements des clapotis. 

Cinecitta

De Fellini à Nani Moretti 
Je parcours l'Italie avec 
Le voleur de bicyclette, rues
De Rome ou village  de Calabre.

Rocco et ses frères 
M'invitent à partager
Sur la terrasse les heures
 De la vie du pierrot lunaire.

Je me souviens aussi du bel
 homme dans sa piscine
Creusée dans le sous-sol
De sa maison et de cette

Femme sortie de prison 
Qui croise au hasard 
Des rues son souvenir
Des brigades rouges. 

Joie de savourer et
De partager ces instants
D'intense émotion devant
Le défilement de l'action. 
  

Pignons

Les pommes tombent du haut pin
dégarni. Bruit sec. Elles roulent
et s'oublient.

Le vent cesse et les dessèche.
Nuit noire. Froid vif.

Le soleil est déjà haut quand
l'enfant les cueille, une à une.

Tante et mère les écartent
minutieusement, faisant tomber,

une à une, les lourdes graines
rouge foncé.

Un petit marteau les assiste dans
ce petit travail qui prendra bien

deux heures. Le bol s'emplit de grains
oblongs comme l'épeautre.

Les pignons sont là, lisses et gras qui
feront le délice de l'enfant et de ses frères.

Te savoir devant l'écran

Te savoir devant l'écran,
si proche, si loin.

Silencieuse et discrète,
l'œil vif.

T'imaginer faisant ton marché
aux herbes parmi des milliers

de photos. Couleurs vives ou
tonalités ternes.

Une forme, un sentiment fugace,
un support ferme pour tes mots.

Te savoir devant l'écran,
et écrire pour crever ton silence,

comme la fourchette perce le
jaune tiède entouré de poivrons.

Furète, hésite, ondoie et te régales,
je veille. En silence.

Famille

Que sont les liens du sang?
Un factice écheveau
De laine dont certains
Prennent plaisir à tirer
Les fils au gré du vent.

Leurre pour la parade 
De l'égoïste qui ne retient
Que les miettes de la 
Belle brioche, pain rassis
Pour les généreux en esprit. 

Fragilité de la vie que l'on
Croit de famille où les secrets
Sont bien gardés et les sentiments
Retenus à souhait pour masquer
Les désirs envieux des aïeux.  

La vie en couleurs

Souvent je suis vêtue 
de bleu roi, marine, ciel ou 
Turquoise puisque j'aime 
me plonger dans cet
Appel au large ou m'évader
En courant après les nuages.

Je regarde maintenant 
Bien tendrement mon
Dernier  fils qui parade et
Va de glace en glace 
Tout de vert sapin vêtu.

Je l'appelle monsieur 
Vert sapin et il me donne
La main. Nous chantons, nous 
Tournons dans toute la maison
Nous savons que nous nous 
Reconnaitrons en nos belles

Couleurs. 

Midi, midi le juste

Midi, midi le juste,
la journée tranchée au couteau
comme un oignon de Toulouges.

Instant infinitésimal et que l'on
prolonge, hors des conventions,
dans la chaleur franche de la famille.

Non loin, un couple de comédie musicale
chante Joue contre joue. Le repas rissole,
rien n'existe plus en dehors de ce temps

béni, de ce temps gratuit. Mes parents
ont grandi, qu'il me soit donné de vivre
longtemps encore, avec eux, une myriade

de midis.

La grâce, l'inspiration

Je ne sais comment la nommer
ni comment elle vient car je la
sais femme.

Un mot, un vers, une senteur,
une image puis tout s'enchaîne
jusqu'au final, ce point d'orgue

qui, seul, peut-être, est ma marque
de fabrique. Une jubilation d'écrire
pour sûr...

Te lire

Un sourire en te lisant
Une rapidité de lecture
Avide, gourmande, pour
Mieux goûter la relecture. 

Lire c'est cueillir les 
Lettres et se figurer
L'être qui les trace 
Tout en attente de la grâce.

Le temps de ce printemps
N'est pas, mais depuis presqu'
Un mois peu m'importe s'il
Fait beau ou mauvais.

La pluie n'est rien, les mots sont tout

Keith Jarrett égrène One Day I'll fly away,
je ne sais si un jour je partirai en volant.

Peu m'en chaut, je vole déjà très haut ;
la pluie n'est rien, les mots sont tout.

L'échange ondoie, se développe, avec lenteur
et respect, entre qui, voilà peu, ne se parlaient

plus. Attente, impatience lente, enthousiasmes
furtifs ou durables. Boire l'autre pour se retrouver

soi-même. Les pierres vives étaient là, silencieuses,
pour maintenir le lien en germe et provoquer son printemps.

inespéré.

Pour mon Jérôme

Un sourire charmeur
Une belle douceur
Dans ses yeux de mer
Et une  allure élancée.

Ce beau cadeau de vie
Bat la mesure de ses rêves.
Il les pioche et les savourent
Dans les mondes imaginaires,

Et l'on reconnaît de loin en souriant
Ses éclats de rire de géant. Sa tête
Touche les cieux et il se penche 
Vers l'univers de la terre féconde.

Et sûrement attentif aujourd'hui
Au moindre chuchotement, je
Serai presque tentée de lui 
Chanter un joyeux non anniversaire,

Car il aime s'inventer de nouveaux
Chemins depuis vingt- deux ans.








Il pleut

Il pleut sur Perpignan
et le printemps fuit qui
n'était pas venu.

Sur les carreaux, des pleurs
figés. Par milliers. Une goutte

par âme souffrante, par âme
fanée. Eau pure détrempée

que le ciel sans transcendance
a distillée et que la sale vie

n'a pas encore touchée. Ma vue
se brouille qui cherche les rivages

et Minorque me manque, mon île
adorée, aux mains d'aigrefins qui

la veuillent souiller. Parmi ces gouttes
sages, comme figées, j'en circonscris

vingt-deux et j'en fais un sourire que
j'envoie au plus haut de mes enfants chéris.

Boire le souffle

Le souffle ne se peut boire
que dès lors qu'il est tiède,

tiède de vie passée, de rencontres,
d'amour ou d'amours, de bons repas

lentement préparés pour un sourire
furtif et une main serrée. Alors il se

boit plutôt que de se respirer, passe
dans les cellules et irradie. Si jamais

on vous croise dans les rues, votre
sourire, alors, dira beaucoup.

Infiniment.

Sensation

Les premiers rayons du soleil
Se montrent, timides, tièdes.

Les êtres de la nuit ne hantent
Plus les rues en riant haut et fort.

Les amateurs de la lumière 
Se préparent à s'ouvrir au jour.

Et j'aime cet instant muet où 
Moi seule réveillée, j'ordonne

Mes pensées dans ma liberté,
Et je bois délicieusement 

Le souffle nouveau de la journée.


À Jérôme

Deux, trois mots, quelques vers
ne sont rien face aux vingt-deux
années de sa présence poétique
parmi nous.

Héritier du Philémon de Fred, il
n'a cessé de traquer la beauté
gratuite du monde jusqu'à
l'infiniment petit.

N'est-il rien de plus beau pour
un père que de se faire expliquer
la vie par l'un de ses fils ? Si
d'aventure vous longez

le Jardin des Plantes de Paris,
vous le verrez sûrement dans
un bâtiment du Muséum, la
tête dans ses étoiles à lui,

sous un microscope.

vendredi 24 mai 2013

Chemins

J'aime le vers libre et refuse
le poème en prose qui noie
les mots dans le sens.

Verticalité sans transcendance,
le poème libre livre, au hasard
du ballet des yeux,

des chemins neufs, des cadavres
exquis délicieux. Mille poèmes
en un seul.

Suivre

Suivre le chemin tracé
Et courir après les autres.
Suivre la rue et prendre 
À gauche pour ne pas
Se retourner, jamais. 
Suivre les nuages cotonneux 
Et se fondre en eux. 
Suivre les crabes et s'enfoncer
Dans le sable mouvant.
Suivre son amoureux
Et perdre son passé. 
Suivre ses propres pas 
Et revenir chez soi pour
Attendre l'ombre qui nous
Suit.  

Ton sac de mots

Ton sac de mots
nourrit les miens.

Ton rythme est mon
tempo. Te lire, c'est

aspirer tes lettres,
et t'inscrire. Durablement.

Tanka échange, pour M B

Mots choisis, offerts
Échange doux et soyeux
Dialogue secret.

Tu m'as confié l'intime
Je te tends mon sac de mots. 

Temps

Temps qui passe 
Et qui me lasse.
Je veux allonger 
Mes heures de joie.
Je veux effacer
Mes heures de larmes. 

La fabrique d'heures
Est venue hier, elle
M'a regardée, puis
M'a tourné le dos
Pour repartir vers
L'océan nouveau.

Ma vie est un mince 
Fil qui se tend ou se 
Relâche dans le temps.
Les autres se régalent
Et jouent  à me voir tantôt
Dans l'attente  tantôt 
Dans les regrets.

J'aimerais ne plus 
Être la marionnette
J'aimerais créer 
Mon heure et la 
Dérouler sur le 
Tapis de la vie
Doucement,
Tendrement,
Éternellement. 
Stop.




 

Marées amères

Marées amères,
amarres à ma mère.

Les mots et les sons
jouent et dansent. Combien

aurais-je vécu de marées
dans ma brève existence ?

À raison de deux par jour
en mer d'opale. Peu, trop

peu. Et pourtant un grand
nombre. Amères marées, iodées

sel de la vie et du mouvement
lent qui toujours ragaillardit.

Chevauchée

Les chevaux sauvages
Se sont emballés.
Ils ont couru à perdre
Leur souffle depuis
Les rivages scythes. 

Les Amazones se sont apitoyées
Et leur ont donné la liberté
Qu'il demandaient depuis 
Les mythes de l'Antiquité.

Bondissant, piétinant, suant,
Les voilà à présent confrontés
À l'univers urbain et minéral.
 ils errent sans but, aveuglés,

À la recherche des prairies 
De Lybie ou des steppes d'Asie. 
L'eau purificatrice des hommes
Sera  le sein nourricier de 
Leurs guerrières chéries.



Filigrâme

Moi qui ne crois plus en Dieu,
je crois en l'âme, au-delà du
corps et de l'esprit. Cette

âme qui nous définit et nous
marque. Seuls quelques-uns,
aimants, âmants, savent la

discerner et nous voyons la leur.
Le sourire de la Joconde nous parle
que nous reconnaissons enfin.

jeudi 23 mai 2013

Lire et relire, relire sans fin

Lire et relire, relire sans fin,
je ne cesse de te relire et tes
mots glissent entre mes doigts

comme sable de rivière. Les mères
ne donnent pas la seule vie, elles
donnent les mots, la langue. Et les

hommes lisent ou miment par leurs
écrits. Que l'attente est belle de Jérôme
voici vingt-deux ans sous ton trait. Lune

pleine. Plume lente. Offerte à ce garçon
longiligne qui préféra courir plutôt que
de marcher. Pour notre immense joie.

Marées, à J.

La lune est pleine
Elle enfantera bientôt
Et ravira les parents
Qui sont en attente.

Il y a plus de vingt ans
La lune était pleine aussi
Et trouvait en moi un
Attrait qui me plaisait,

Elle allait m'aider à donner
Un fils plein de vie et de cris
Un garçon qui allait courir
Vers sa vie et le voici là-bas.

Il court toujours à grands pas
Comme pour rejoindre sa lune. 
Et cherche l'infiniment petit
Pour atteindre le plus immense. 



Portrait

Un visage allongé de Madone
Une pâleur descendue des cieux
Des yeux nourris d'Orient.

La belle a défait ses cheveux
Et son cou agile de cygne
Se prête à la caresse aimée,
Son regard est plongé dans
Les attentes du choix de

Modigliani qui l'observe et
La chérit depuis son chevalet
Orienté vers le soleil levant.  

 

La belle dame brune et son écuyer

Le paradis des voix les a réunis.
Elle, décharnée, désincarnée, toute
âme et somptueuse élégance,

Lui, le fripon sympathique, bretteur
assagi, aux yeux de braise. Elle, la
musique, lui les paroles. Moins de

quatre minutes hors du temps et pourtant
si actuelles. Les écouter se rejoindre,
c'est savourer pleinement l'en-deçà de la

mort.

Sandales


La taïga est détrempée,
Le printemps est long et
L'herbe haute abrite ses
Habitants dans son giron.

Sveta la petite paysanne
Est partie ce matin aux champs.
Elle aime courir pieds nus et
Chanter l'air de la troïka. 

Elle a dénoué ses sandales
D'osier tressé et a suivi
Le coucou de la forêt. 
Elle a oublié de se chausser. 

Petites et à peine déformées,
Elles sont rendues à sa terre 
Et seront pâture et maison
Pour les hannetons blancs. 




Te lire

Le vent mauvais m'a couché grelottant
dans le lit et depuis ne sais que faire.

Je regarde un film profond sur un printemps
qui ne dura que quelques heures et je me lève,

souvent, pour regarder le vent glacer mon jardin
et, plus près, ma fenêtre en ombre sur Sichuan.

Tu as écrit et la chaleur entre peu à peu en moi.
Une chaleur élémentaire, essentielle. Le bleu de

ciel des pervenches et la lourde nappe des blés
chère à Péguy. L'été se profile, dans tout juste un

mois et quelques heures, quelques heures de printemps.
D'ici là notre échange aura doré et les fruits seront gonflés.

Chaleur

Au cœur de la journée
Les champs déploient 
Leurs fruits épais. 

L'air étouffent dans nos
 poumons, le silence se fait.
L'été se partage à deux. 

Toi l'ocre doré des épis
Moi la beauté des pervenches.
Les nuages vont épais. 

Ce soir le ciel sera zébré,
La terre confiera nos pas
À la pluie. Nous serons unis.

À G. M.

Moustaki est parti
Avec sa solitude,
Et avec nos cœurs
Embrumés de chagrin.

Il a suivi le soleil levant
Au  pays des Hellènes,
Et il  chante aux cigales 
Qui répètent ses vers d'aède.

Quelques vers de Georges Moustaki...

«Je ne suis qu'un lézard
Qui joue de la guitare

Pour un oui pour un non
Pour Marie ou Ninon
Pour que passe le temps
Un peu plus tendrement ...»

mercredi 22 mai 2013

Deux rectangles de lumière

Deux rectangles de lumière,
l'un, petit, en long ; l'autre,
grand, en large

et les vers s'effilent sur
près de cent kilomètres.
Qu'importent le temps et

les convenances, ils savent
tous deux que leurs langues
s'appellent et se répondent

leurs mots. La nuit même,
qui a mille yeux n'est pas
épargnée : ils chantent.

Hommage à Léo ferré : la mémoire & la mer

Le bateau arrimé au port
A  vu monter à bord
Le squale bleu qui
Avait échappé  aux mains
Du marinier d' Islande. 

Les étoile du ciel ont
Plongé leur couteau rouge
Au plus profond des rochers
Escarpés où l'éponge séchée
Reprenait son souffle. 

Le poète a marché sur le 
Scorpion jaune des sables
Et s'est retourné pour ne pas
Voir pleurer la lune diffractée. 

Fragmentaire

Fragment d'os séculaire.
Fragment de toile minoenne, 
Fragment de bronze sous- marin. 

Le fragmentaire est la vie toute 
Entière et plus encore: l'univers. 
Les pas ancestraux ont forgé 
À chaque secousse des fragments
Par milliers et j'aime me pencher
Sur ces poussières de vécus.

ma vie est fragile et forte :
Assemblage de mes fragments 
 perdus, retrouvés, couvés
 et chéris que je prends soin
 de conserver dans ma terre. 

Orientalisme

Un certain goût de l'Orientalisme,
la fascination du désert sec. La
caravane passe et la dune ploie
dans le soleil brûlant du zénith.

Sous les tentes, les hétaïres alanguies
goûtent aux dattes allongées et sucrées.
Leurs lèvres retiennent la douceur du
miel et la lumière n'est plus à l'horizon.

Poètes, Fromentin et autres invités
tendent les mains vers l'oasis de couleurs,
ils plisssent leurs yeux de bonheur
et oublient les jours pluvieux de la Rochelle.

Tutelaire

Géants tutélaires radieux
Venus des nues calmes,
Vite déposés. 

Méduses ancestrales et
Cirques de beauté de pierre. 


Électuaire


Ancêtre du médicament, sorte de préparation
pâteuse que l'on tranchait avant de l'ingérer.

Premier faux-sens reçu, en cours d'espagnol.
Nous traduisions de la langue classique.

Une lecture hâtive donna lieu à une mise en
scène comique sur la consommation des confitures

au Siècle d'Or. Je relis le Covarrubias à l'instant,
me rends compte de l'erreur et éprouve aussitôt une

immense tendresse pour cette vieille dame qui sut nous
donner de la langue tous les sucs. Et même plus.

Homo faber

Homo sapiens. Et même sapiens sapiens.
La tête me tourne devant tant de vanité.

Celui que je préfère, c'est l'homo faber
des philosophes et d'un romancier.

Son physique ingrat, son opiniâtreté,
sa joie d'enfant quand il découvre l'outil

d'un jeu de doigts, entre pouce et index.

La vie lui fut donnée, le goût de la perfection
aussi. Front bas, il œuvre. Les silex se biseautent.

Les cathédrales ne sont pas si loin, au bout de
son pinceau de raison. De l'aube au crépuscule,

dans la peur des ténèbres, il ne se lasse jamais.
Il met en œuvre la nature adorée.

Ô combien je voudrais lui ressembler avec les mots
que le ciel m'a donnés par poignées. Dés subtils,

à cent faces et mille points. Que l'on me donne un mot,
au hasard et je m'y attellerai avec flamme en homoncule

fabrien. Ce mot, ce soir, ce sera... électuaire.

Orfèvre des mots

Il est le bijoutier des mots,
Il coupe, affine, efface et
Retrace sa trame polie
Sans fléchir ni se rétracter. 

Orfèvre qui négocie les
Gemmes, argentier rusé
Il part à la recherche du 
Plus pur et du plus transparent. 

Les lettres sont les perles de 
Son collier. Il les regarde en
Amoureux dans le miroir des
Lignes. Il les ajuste, se voit beau. 

Il n'est plus seul et il se crée 
Le monde de l'absolu pouvoir,
Gardien jaloux de l'œuvre rêvée
Et de tous les  sourires du cœur. 
 

Minotaure

Le labyrinthe n'est plus,
Et le Minotaure a fui
En emportant avec lui
La labris du palais crétois. 

Il se prélasse maintenant 
Dans le sable de l'arène 
Mais ses yeux à jamais
Clos ne voient plus la
Beauté immuable des femmes. 

Thesee ne l'a pas tué, il vit
Encore sous les traits du
Peintre espagnol et son 
Guide est une petite fille
Qui l'aide à chasser ses démons. 

Le colimaçon

Qui pense encore à l'escargot
en entendant ce mot ?

On voit plutôt la forme harmonieuse,
d'un escalier ombreux ployant sous

les pas lourds. Pourtant le colimaçon
fut escargot petit, cagouille fort espiègle

que les enfants gardaient dans une boîte de
carton troué avec une feuille de laitue pour

l'observer tracer son chemin d'aliments. Le
printemps qui se traîne et se dessèche enfin

m'y fait songer à l'instant. Longeant le canal,
sur les branchettes grêles d'un fenouil, j'en

vis un, un seul, qui faisait corps avec la tige
sèche. Sa coquille était fine, comme de porcelaine

de Sichuan. Et sur son dos se dessinait la forme
harmonieuse... de mon escalier si ombreux.

mardi 21 mai 2013

liberté et contrainte

J'aime l'extrême liberté
que donne la contrainte.

Fermé, onctueux, l'alexandrin,
à l'hémistiche atteint son

équilibre. Fragile, incertain,
perfectible, hasardeux,

merveilleusement hasardeux.
La nuit, nourrie des alexandrins

d'Alceste à Bicyclette, m'en a fourni
un, un seul, et épuisé, à ma table de travail

j'ai composé en seize minutes un sonnet à la
française avant de me rendormir. Un sonnet

buissonnier, primesautier, et sous bien des
aspects, dérisoire et donc humain, vivant,

simplement, intensément.

Jouer à fermer les yeux

Jouer à fermer les yeux,
perdre les couleurs et le
volume, pleurer de la noirceur

et tendre les mains en avant.
Les doigts sont si sensibles
que la soie est nuance. Alors

on ferme ses yeux aveugles,
en fronçant les sourcils,
pour repeindre le monde de

l'enfance, désuet, aboli,
circonscrit autour de l'école,
de soi puis des enfants.

Il est des mots

Il est des mots qui me troublent
et me laissent pensif au bord du
chemin. Passage est de ceux-là.

Ta photo l'enlumine de vert et le
serre tout à fait. Oblong, touffu,
il est la petitesse éternisée.

Si le trépas enseigne l'au-delà
de la mort, le passage est toujours
en deçà. La vie en mouvement libre

et paradoxalement contraint. Serre-toi
et sens le passage renaître. Les yeux
se ferment, le visage se dissimule car

au terme du passage est l'infini de l'être,
pour un instant ou plus,  beaucoup plus.

Le passage

Un passage secret et Sage
Isolé et mouvant comme
La soie. Un toit pour me
Retrouver et m'aspirer. 

Je suis cette route sans
Savoir où elle mène. C'est
Mon éternel recommencement.
Mais je l'aime et m' y enferme.

La voie est large et pénétrante
Comme celle que tu m'offrais
Autrefois quand nous nous aimions.

Viendras-tu me rejoindre et 
Parcourir ce sentier de spirale
En jouant à se donner la main? 


Évasion

Les livres sont comme
Les images et les idéaux. 
Ils voyagent dans notre
Tête et nous font 
Parcourir des kilomètres. 
Rien ne sert de prendre 
L'avion ou la bicyclette
Les mots marquent
Nos pas dans le mur
De notre aventure. 

Tons verts

Un papillon ailes
Ouvertes trompe l'oiseau
Gourmand. Reflet de

Verts nature. Plantes qui
S'animent. Hop ! Il s'envole. 

Attendre et sourire

Attendre et sourire à la vie qui coule,
regarder le fil de l'eau et t'y attendre,
savourer le moment où je te cueillerai.

M'en étonner, m'en étourdir, tant tu
trouves les mots et les photos qui siéent,
en quelques touches etsais relancer

mon écrit qui s'épuise.

Sonnet du vent qui passe

-Je ne te promets rien, je suis ce que je dis,
le matin dans les vignes et le soir reposé,
un tourbillon soudain pour un baiser osé,
et puis plus rien du tout jusqu'au cœur du jeudi.

-Tu es un bel escroc, une encyclopédie,
de bruits et de fureur, tu as trop chinoisé,
et loin d'ici, très loin, iras t'embourgeoiser.
À moins que tu ne veuilles, regagner l'Arcadie...

- Je ne t'ai rien promis et n'ai fait que passer ;
de tes propos fripons, j'en ai vraiment assez.
Va, je te laisse enfin, seule toute à l'absence

du vent, du souffle aimant, puisque ne veux comprendre
car d'autres voudront bien qu'avec elles je danse,
redanse et danse encore. Pour enfin les surprendre.

Deux vers, ou trois

Deux vers, ou trois,
pour t'observer sourire,
au réveil quand ma main
te tiédit.

Mais la parole va vite,
les vers sont dépassés
et je cours à ma perte,
alors

je me retiens et songe
au café qu'il te faut avaler
avant de te laver,
et de filer...

Précieuse insomnie

L'insomnie me réveille, que je croyais enfouie,
je cours, saute et souris, les pieds encore calés
dessous le drap serré.

N'était l'heure tardive, le sommeil des voisins,
je dévalerai l'escalier et courrai dans le gravier,
sous la lune rêvée, sous la lune perdue.

Mais je ne puis rien et demeure engoncé, alors
je confie à l'écran mes secrètes pensées,
et sur un glissement de doigt, le devoir accompli,

je cours me recoucher, moi qui n'avais pas bougé.

lundi 20 mai 2013

Sacré

Immortalité du sacré
Merveilles de l'humanité.
Lieu pur et intouchable
Travail de la vie, virtuosité
De l'esprit et créativité des 
Mains, un assemblage parfait.

Recueillement et souffle coupé
Dans l'admiration de l'œuvre. 
Nul souffle mais une vive intensité 
Des regards. Élan de vie pleine
Et ravissements muets 
Pleurs libres et heureux. A jamais. 
 

le goût des grenades...


"Les rues
gardent le goût
des grenades,
acides et opulentes comme ta bouche.
Ici, tes cuisses
–même si tu ne me crois pas–
m'exciteraient encore davantage."

Marc Artigau i Queralt, "Istanbul", Exilés 
(trad. du catalan par M. Bourret Guasteví)

Tanka grenade

Un fruit qui s'ouvre 
Tel le pur désir charnel
Les grains tombent, rouges.

De sang, de plaisir, la fleur
Goûtée à pleines lèvres, hum ! 


Les voyages non faits, les voyages à faire

Pense aux voyages que nous ne fîmes pas,
pris dans la toile d'un quotidien furtif,

à ces voyages que le temps a rendu nécessaires,
maintenant que les enfants ont grandi et que l'œil

se dessèche à voir et à revoir la route étroite alentour.
Pense aux voyages à faire et que nous ferons ou nous ne

ferons pas, auxquels nous songeons, le soir, en fin de semaine,
face à l'écran mat de rêves trop petits pour nous et pour

nos espérances. Tu voyages dans ta tête. Je le fais aussi.
Tes langues sont anciennes, les miennes le sont moins.

Mères et filles, elles parlent de la vie et du sang des
accouchées. Voilà pourquoi je n'ai jamais aimé l'esperanto,

ce désespérant jeu de cartes d'un linguiste zélé, sans âme,
sans chair, sans personne pour le parler ou lui cracher dessus.

J'aime la langue qui pleure, fado du finisterre portugais ou
saudade du métis brésilien, j'aime la langue qui rit et rugit,

les forces basques et les levers de pierres écossais. Le babil
de l'enfant au berceau porte en lui l'Odyssée et la Divine Comédie

et le râle de qui se meurt ferme des pages jaunies que d'autres,
à leur tour, ouvriront. Delenda est Cartago. De toute façon Carthage

devait tomber en poussière mais de génération en génération,
l'introït de Caton l'Ancien, voyage et nous façonne. Irrésistiblement.

Un jardin en pente

Un jardin en pente que retient
la grille grêle des express.
La pluie ruisselle et la terre
s'épuise.

L'été, le feu tombe qui frise
les sucrines. Les courgettes
se terrent sous les feuilles
desséchées.

Je me revois, chapeau ample,
marchant lentement dans la
terre meuble et poudreuse.
Le temps

s'arrête et le jardin glisse
vers les parallèles d'acier.
Combien de temps durera le
répit ?

Paon

Le paon a refusé 
Les couleurs de Junon, il
Aime sa blancheur de peau. 

La  non couleur lui va bien.
 Argos a toujours ses yeux. 

Heures patientes

Heures patientes qui coulez,
balancier grave et lourd,
tantôt vers elle, tantôt vers lui.

Un même lieu se diffracte qui
requiert leurs baisers. Lieu du
passé, toujours vivant, senteurs

de fenouil et de gravillons goudronnés.
La route rénovée émarge le jardin
et déjà le vieux pin ruisselle de résine.

Non loin, sous l'abri, les ailes de métal
d'un scarabée endormi que les enfants
pilotent en faisant osciller son lourd volant

de fer. Heures patientes, coulez. Je la lis
et je prends déjà plaisir à m'imaginer
qu'elle me lira quand la page aura tourné.

Le hangar vert


Abrité par un grand pin et masqué
Par des essences multiples,
Le hangar de vert tendre est 
Verrouillé par les ans. 

À l'intérieur,elle  attend son heure :
Une ancestrale voiture d' un gris
Passé qui abrite des nichées de
Rongeurs avides de savoirs.

Les livres poussiéreux sont pour 
Eux un éternel refuge et, la nuit,
Sans user leurs yeux de myope 
Ils cueillent la saveur des pages. 



 


Chevriers

Les chèvres ont déserté les routes
Les chevriers ont perdu leur besace
Mais la petite ville que l'on montre
Aux enfants résiste aux rêves 
Tentaculaires et à folie humaine. 

Verdure, senteurs exquises 
M'envoutent encore et ces 
Toits revêtus de couleurs
Font vivre ce lieu de contes 
Comme ceux qu'on lit
Aux enfants de Marcel
Et à tous les autres. 
 

Aubagne

Cité de santons, comme de fantaisie,
avec, en son centre, entre Mistral
et Garlaban, un monde en miniature.

Nous y convoyions nos enfants qui
y apprenaient à lire l'espace, les métiers,
l'eau qui coule et qu'on ne voit plus, souillée

sous le parking en dur. J'aimais m'y promener,
les bras chargés de panisse ou bien de pompe
à huile. La dirigeaient des politiques à la Pagnol

qui se disaient communistes. Ces conservateurs
à la figure ronde étaient des Peppone rubiconds
sans leur Don Camillo. J'aimais Aubagne, si proche

de la métropole et portant si distante. Sur les hauteurs,
vivait ta tante, au milieu de milliers de livres qui
prenaient l'eau l'automne et sentaient les champignons.

J'en ai rêvé cette nuit même et d'une librairie à double
entrée avec des journaux sentant bon, épais, gras d'encre
et des livres d'histoire exclusivement rédigés... en catalan.


Cavale

La reine des Amazones
Ne dort plus depuis deux nuits. 
Son cheval d'ébène a refusé
Les caresses de la brosse 
Et a trouvé refuge en forêt. 

Me promenant, j'ai aperçu
Cette flèche noire qui allait
Au galop, sans frein ni retenue. 
Depuis, je dors le jour et m'éveille
La nuit pour croiser la belle chevelure.  

dimanche 19 mai 2013

L'initiatrice

Tu m'initias à beaucoup.
Dans nos poèmes croisés, la première
tu invitas des photos. Glanées sur la toile
au hasard des hasards ou des désirs.

Dans notre fonds commun, aussi,
du plus doux au plus dur. Et moi qui
privilégiais l'écrit, me voici, parfois,
à jouer les illustrateurs. Par toi.

Poussière d'étoiles

Tu me donnes, poème après poème,
des grains d'or. Tout un monde sur terre,
dans les eaux et dans les cieux.

J'en fais ma poussière d'étoiles que je
répands la nuit d'un geste vaste pour
t'amener à dormir. La sens-tu ?

Ce soir, ferme les paupières. Elles en
crisseront délicieusement.

Méduse des cieux

Méduse des cieux
Crépitement délicieux
Féerie rêvée.

Perdue

Trop bien faire c'est rien faire. 
Donner c'est se perdre. 
Mon cœur souffre, il s'est tu,
Incompris, malmené jeté en 
Pâture au regard cruel et
Sarcastique du joueur de vie.

 

Dors

La nuit trop calme ne plaît pas à l'enfant endormi.
Il interroge la lune amie
et babille avec les astres.

L'immensité du chaos ne l'effraie qu'à demi.
Il se tourne vers l'image murale
pour s'inventer le monde silencieux
des chauves-souris.

Sa fabrique de rêves s'effiloche dans le firmament,
Ses petites mains cherchent en vain la caresse
et se perdent dans les ténèbres majestueuses.

Le voilà apaisé et serein
et ses lèvres de pourpre
ébauchent en cachette son sourire de bambin.

Fantaisie des pas

Comment ne l'ai-je pas remarqué ?
Me voici maintenant avec une
Chaussure d'une teinte et l'autre
Presqu'à  l'opposé.  
Suis-je donc si distraite pour
Ne pas avoir vu chez le marchand
Une telle différence. 
Tant pis ! J'assume et j'avance
Ni à cloche pied
Ni en demie teinte
Je marche en couleurs fantaisies. 

Perle

Perle sans nom et sans murmure
Traîne ma langueur sur le ciel sans fin
En silences et cris qui tremblent. 
Et mes signes sans appel 
Enjoignent mille fois
Mon cœur qui s'effiloche. 

Rue des Élus, à l'enseigne verte et mauve

Tu exhumes le lieu, je le revois, je sens le parquet
qui grince. Envie de courses en pâtins. L'appartement
est une enfilade de lumière avec un curieux appendice
où est notre bureau.

En ce temps-là, l'informatique balbutie. Ni PC, ni disque
dur. L'Atari met onze minutes à imprimer une petite page.
Nous sommes au cœur de Reims. Des amis précieux, trop vite
partis.

En ce temps-là, nul besoin de Top Chef ou de Master Chose,
Franck maîtrise la cuisine qu'il tient aux opulentes Crayères.
Sa poularde demi-deuil est un délice. Le champagne une découverte
tardive.

Tu m'as exhumé le lieu et depuis je le visite. En détail, avec
ferveur. Étonnamment je le vois sans meuble, nous qui en avions si
peu. Et je revois cette enseigne verte et mauve d'un numéro 46
où nous étions heureux.

Les élus

Il me revient en mémoire 
Un étrange lieu au cœur
De la ville rémoise.  

Il fallait monter trois
Étages sur un escalier
Qui criait et luisait de cire.

Dans l'entrée,d'immenses tapis
Qui feutraient nos pas et qui
Ouvraient la voie à la curiosité. 

Les sens s'éveillaient et se 
Régalaient en goûtant
À l'opulence des odeurs livresques. 

Nul espace libre. Chaque souffle
Occupé par la variété des pages
Et l'attirance des couvertures.

Les hôtes n'étaient pas de
Petites gens renfermées. 
Ils avaient ouvert leur porte 

Au passant qu'ils enivraient
De scintillements d'esprit
Et d'attente de lecture secrète,

Un doux raffinement à mes yeux.