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vendredi 31 mai 2013
Chercher la lune
La tentation de l'ailleurs
du départ soudain, irréfléchi,
vers des terres connues et trop
longtemps délaissées, envie de pas
rapides et sonores dans la nuit de
gin tiède. Fermer les yeux et ne plus
savoir dans quel coin de la ville on est,
partir au hasard des rues et attendre
l'aurore qui glace les épaules et alourdit
les paupières. Partir sans se retourner
et même partir s'en vraiment s'en aller.
S'inventer un départ et succomber soudain
à la tentation de la fleur.
L'amante anglaise
et jouir du titre de Duras,
L'amante anglaise.
La menthe anglaise, la menthe
en glaise, l'amante en glaise,
âmes, éléments, végétation
se mêlent et se recouvrent pour
mon plaisir égoïste. Du temps où
la cuistrerie tenait le haut
du pavé, on définissait le titre
comme un "archonte en situation
de marché"... Bigre, la belle
affaire. Moi, tout simplement,
je joue avec la tranche des livres,
leur couverture et leur titre.
À mes côtés, un néopolar catalan,
tout frais (il n'a pas un semestre),
Lluny d'aquí, loin d'ici.
J'y suis entré naguère mais par delà,
le sens qui peu à peu s'impose, il y a
la tentation de l'ailleurs, l'appel de mon
cœur.
Rose
Marelle dorée
Le voyage au Cheylard
Ce ne seront que quelques heures
et déjà elles me tardent. J'ai préparé
hier soir les légumes farcis dont il se
régalera une fois le retour consommé.
La terre aura-t-elle séché qui porte
la mémoire ? Qu'importe. Les discussions
nous feront aller haut
et nous partagerons le pain et le fromage,
avec une pensée pour un autre séjour il y a
quinze journées qui l'enchanta, je sais, et ne le quitte plus.
Le poème perdu
loin de la tablette vive qui le gardait.
Je n'ai pas voulu le retrouver ni de mémoire
le réécrire. Non, le monde était trop dur
pour lui, les mots insuffisants. Il parlait,
je crois, de roseaux vifs et de toi, ma
dialoguante. J'imagine qu'il vous a retrouvés,
à l'aube près du canal ou de l'étang vendrois,
susurrant à l'oreille de la grue cendrée les
deux trois compliments que maladroitement je lui
enseignai, à lui, mon Pinocchio de vent et de roseau.
jeudi 30 mai 2013
Les roseaux de Jean-Pierre Lafitte
qui pourtant a séché et
jauni dans l'huile de lin.
Cinquante-trois années
n'ont pas suffi et me voici
en pirogue au rivage inconnu.
Le temps s'arrête. J'apprends.
La flûte double au bourdon grave
lancinant, les flûtes de pan,
fifres et galoubets. Les mots
ricochent et les harmoniques
naissent. Que sec est le boisseau
qui jonche la table. De la javelle
rustique, il n'est rien resté. Pourtant
le façonnier nous glisse les clés
de la maturité. Mais le roseau n'est rien,
tube informe où l'on pourrait percer les trous
à l'instinct, musardant lime en poche.
Tout est dans l'anche, maîtresse des tons
et des sons. Une clarinette naît et voici
que joues et ventre se gonflent
en rythme asynchrone. Deux heures ont passé,
ma pirogue repart pour Vendres, sa lande
et ses oiseaux. En moi, les roseaux chantent.
Pompéi c'est sûr !
Deux
où je montai une bicyclette jaune portant ce numéro.
Tes deux mers, sans rien montrer, sont à l'image de
ces poèmes que nous écrivons deux par deux, en répons
et qu'ici je brise en un trois facétieux qui se voudrait un deux.
Calculs
je me croyais le roi des centaines,
le maître incontesté des nombres
et des calculs. Puis tu me surpris,
espiègle, avec tes trente jours comme
deniers de Judas. Et depuis je souris,
riche de découvrir le monde, sous tes doigts
et ton rire, alors que la semaine glacée glisse
vers l'occident et que ma main te cherche,
inexorablement.
Virgile, bien sûr
à un concours de recrutement, ça n'existe pas !
Et pourquoi pas ? S'il a connu Virgile de la main
de sa douce et de Géorgiques en Bucoliques s'y
est laissé guider. Les frontières sont le repos des
convenus ou des ennuyés. La passion vous les fait
sauter comme guirlande de cèbes avant la fricassée.
Avant elle, le latin m'ennuyait -et que dire de la messe,
si peu chère à Brassens ?-. Elle sut m'en révéler le sel
et l'âpre humanité. Par elle, je saisis les corps figés
de Pompéi pourtant jamais visités, tout juste imaginés
une heure au coucher des Pink Floyds. Si vous fouillez
parmi mes vers, amis lecteurs, pour sûr y trouverez
la trace du chemin conjoint que nous y fîmes, en Virgile.
Le trente du mois
Deux mers
Caresse du vent
douceur de la main d'un dieu
roux. Le soir t'ébouriffe et le matin
virginal te peigne, dune exigeante
et chérie. Prométhéenne ascèse qui
guide mon pas vers le plaisir étrange.
Jour après jour, nuit après nuit, trace
pour moi des périples de silice...
Cadavre exquis
nul pli de papier ni succession de phrases,
nos poèmes s'entrecroisent sur un rythme
imprévu. Longueur de langueur, langueur
de longueur. Je te lis pour mieux écrire. Tu lies
mes syllabes comme baisers en paume. Toujours
le hasard abolira mon coup de dés. Tu dis "igloo"
et le froid m'assaille, tenaillant ma main qui pensait
naguère à l'Orient. Est-il plus belle liberté que celle
qui naît de la tendre contrainte ? Te lire, c'est agencer
mes livres dans les pas de tes livres qui, il n'y a pas
si longtemps, étaient les nôtres. Apulée, où es-tu qui
guida ma frappe en miroir infime de ce que pour moi
tu fis, il y a trente ans, il y a si peu, il n'y a plus rien du tout ?
Mon igloo
Dune
Le son du silence
Par son bruit. Grave et long.
Comme un point d'orgue.
Oublié.
plusieurs. Celui de tes attentes,
de mes désirs. De m'imaginer
te lire
retenu bat à l'ouie. Que viennent
mois et semaines et ensemencent
ce son. Ami.
La naissance de Lorca
quelques mots sur la naissance
de son poulain. L'attente de deux
jours, la nuit blanche à la belle
ondée sous une couverture improvisée,
la robe de la jument couverte de sueur,
mon amie s'endormant épuisée, la démarche
de vieil ivrogne du poulain nouveau-né, lequel,
depuis trois ans, sans jamais avoir été monté,
berce ses nuits sans trêve de son ombre galopante.
mercredi 29 mai 2013
La Maison de la poésie de Montpellier
par l'architecte d'Antigone. Telle apparaît la toute
petite Maison de la poésie de Montpellier. Des murs
gris, de nombreuses chaises, quelques rayonnages
serrés avec de bons ouvrages, rangés au hasard des hasards.
Nul espace ouaté pour les apartés ou la méditation heureuse.
Non, un espace anonyme et clos, lumineux tant que faire se
peut en cette fin de journée. L'essentiel est ailleurs. Dans les
personnes qui s'y tiennent un moment
Au centre, sans affectation, le corps fatigué mais pétillant d'intelligence,
Jean Joubert accompagné de son épouse. Autour d'eux la garde rapprochée
des poètes et bénévoles, souvent âgés. Un, plus jeune, poète de qualité
et que tu connus quand il cherchait ses enfants à Jeanne d'Arc, Pierre
Grison, avec qui je parle un brin. Puis vient le récital d'Aurélia Lassaque
en mano a mano avec son éditeur, Bruno Doucey, au son d'un alto : un délice.
Monde d'en haut
Maison de la poésie
Un tout petit four rouge et noir
l'appartement a besoin d'objets pour poser
la marche et fixer le lieu.
Pour certains, c'est la couche des amants,
pour d'autres les rideaux qui préservent
l'écrin. Pour toi ce fut le four,
un four petit car nos moyens étaient minces,
avec sa grosse molette et sa porte qui
brinquebalait, brûlante.
Tu y faisais merveille, présageant les enfants
que tu régalerais de petits plats douillets
et de souvenirs par milliers.
Frappe
ta vitesse m'étourdit, moi qui
n'ai jamais su taper qu'à deux doigts.
La machine blanche est lourde, électrique,
notre grand fils s'y coincera un jour les
doigts, provoquant une cocasse scène hospitalière.
Les articles s'y succèdent comme sa grande sœur
mécanique, orange, le fit pour la thèse. Un peu
de blanc ou retaper la page, tu t'oublies à la
tâche et je ne suis pas conscient qu'en t'y abîmant,
c'est toi qui t'oublies, c'est toi qui t'abîmes. Je
ne vois que ton cou penché qui frappe. Avec amour.
Chaussures
Te souvient-il de ces grosses chaussures
dont nous préparions nos randonnées l'été
au cœur des monts ?
On les laçait fort, repliant la chaussette sur
la cheville nue. Les enfants gravitaient dans
un sérieux impressionnant. Le goûter serait
tiré du sac. Jusque là nous marcherions,
leurs pas dedans les nôtres.
mardi 28 mai 2013
mon reve
Il est des livres...
et orientent la vie. Le piéton de Paris
de Léon Paul Fargue est de ceux-là qui
tiédit en haut de mon étagère, le dos sec
et les pages jaunies. Un romancier ami
me confiait naguère, alors que nous parlions
de son village natal, scène de certains de
ses romans, qu'il n'est de lieu qu'imaginaire
et que l'espace n'existe que dans le souvenir,
lequel induit le conte et la description. Mon Paris
est de cette pâte. Ses quais ont été frôlés par
Fargue à la démarche lente et ses îles naissent
de l'écho des Choses vues de Hugo. Je ferme les
yeux et le voyage commence, entêtant et statique.
Fargue me glisse à l'oreille :
« Vous vous faites une idée réaliste et raisonnable du voyage.
Mais on ne voyage pas pour des choses raisonnables, pas d’avantage
pour des choses réelles. Au terminus de votre ligne, et de toutes
les lignes qui la prolongent, et de toutes les lignes du monde,
il n’y a pas de choses sérieuses, il n’y a pas un rendez-vous d’affaires,
il n’y a pas un billet de banque, il n’y a pas même un sentiment.
Il y a un fantôme. »
Tombe la pluie
Tombe la pluie, je te lis.
Mots ciselés. Rencontres
Soleil. Je te devine écrivant
et je me glisse, sous l'averse,
à l'abri d'un toit petit. Gouttes
de pluie. Désir d'infini.
Carrefour
Tanka rouille
L'âme des objets
pensé-je en tapotant l'acier
gras et chaud d'un wagon oublié.
Une amie précieuse me glisse que oui
en me parlant de la vie seconde des
intérêts locaux sur la côte landaise.
Wagon. Que l'on prononce ici comme
voiture. Et comme ouate dans le lointain
nord où je suis né. Les ouagons étaient
uniformément verts dans mon enfance. Rivés à
la terre, ils prenaient parfois le ferry pour
l'Angleterre, sous le képi débonnaire de mon père,
capitaine des Douanes au quai Frayssinet. Tes wagons
de l'enfance, plus fins, plus bruyants, ont-ils une âme
commune ? Je ne sais. Les objets ont l'âme de qui les sert.
Wagon
lundi 27 mai 2013
Le petit train de Palavas
n'est plus que jamais je ne pris.
De Chaptal à la côte il dévidait
ses fils d'argent parmi les ronciers,
à petite vitesse, secoué de cahots,
empêtré de grappes humaines voyageant
sans le sou. Une locomotive ripolinée
et son wagon, c'est tout ce qu'il en reste
sur deux rails bornés de dix mètres de long.
Farfadet
Au bout du labyrinthe
est la rencontre. Gauche,
droite, droite puis encore
gauche. Un quart d'heure s'écoule.
On dirait un cheval à l'amble
dans le manège. Je me concentre
sur ses mouvements à elle, et je
me colle à la danse du lourd véhicule.
De temps à autre, je devine son visage
derrière les lunettes noires, un petit
geste, les années s'effacent. Je la revois
au volant de sa Renault blanche, au même
lieu ou presque. Nous avions fait halte
et nous nous étions connus. Je ne vois pas
les édifices qui bordent le labyrinthe, une
ou deux enseignes bleues, tout au plus. La
laideur du lieu ne m'atteint pas mais voici
qu'elle se gare. Et moi à ses côtés. Le reste
importe peu. Nous marcherons lentement, intimidés,
nous mangerons complices et nous repartirons
nous asseoir au soleil. Peu de choses. Deux sourires.
Le hasard
depuis longtemps. En tout cas,
bien avant ce mois fécond
en vers et en attentes.
Une promesse, une réponse,
la confiance dans le temps
qui passe. Main caressante et
chaste qui s'enracine pour apaiser,
pour s'apaiser. L'heure est à la pause
et pourtant nous avons déjà mangé.
Du vert, du rouge et du blanc carnassier.
Ah la belle Italie. Le temps qui nous avait
unis nous a repris. Nos routes ont divergé.
À peine. La langue, à distance, nous reprend...
Âge d'or
Hasard
Temps revenu
dimanche 26 mai 2013
Petits pieds (réponse)
sous la pluie. Las, épuisés,
la peau fine sous les doigts.
Les masser longuement, yeux
clos, paroles suspendues,
jouer du pouce et du gras de la
paume. Les délasser. La pluie
cesse et la lune apparaît.
Même pâleur, froideur d'une
brise soudaine. Emmaillotter
les petits pieds dans une couette
improvisée. Sommeil soudain.
Silence. Patience
Petits pieds
Drapeau bleu
Une coupe triste et froide
sans nappe pour la supporter,
sans personne pour la caresser,
y déposer des fruits, de la monnaie.
Une coupe au dessin simple et alterné,
hors du temps et des modes. Nouvelle
modalité des sichuanais Yin et Yang ?
Non car les deux se prolongent et s'unissent.
Le même et l'autre enfin réunis, irrigués
par l'ombilic sans fin. Couleurs froides et
douces, fond stellaire. Le temps n'est pas
qui pourtant pulse. La coupe a le dessin
de la paume et le dessein de la pomme.
Quête tranquille, apaisée. Désir retenu,
elle attend. Ta joue, tes lèvres, ton sein,
ton âme. Ou peut-être les vers de qui
la façonna et l'enfourna encore incolore,
à Saint-Vincent, banlieue de Perpignan.
Petite musique
sur le boîtier rond de chacun
des quatre ? Petits, couvés.
Tu tournes, je tourne, la musique
s'égrène, les années passent. De nouveaux
naissent à l'écoute. Leurs aînés découvrent
la nostalgie de la mélopée, de la lente litanie.
Nos voix se surimpriment. Bientôt la musique
se taira. Seule restera la voix. Partagée.
Ils t'ont fêtée. Présents ou absents. La petite
musique n'était plus. Crois-tu ? Moi j'ai entendu
son tintement jusqu'à la toile cirée jaune de Perpignan.
Poulet à l'ananas
Quatre cents
Quatre cents poèmes croisés en si peu
de jours et de nuits. Quatre sans coup :
nos enfants aimants éparpillés et qui se
pressent autour de toi. Me viennent les
confidences glissées. Vos repas au restaurant
de fromage, le regard pétillant des enfants.
Chanel n° 19
dans son étui étroit de carton blanc.
Fleurs assagies, réservées, distillées
sur la peau hâlée de l'été débutant.
Les yeux se ferment et le parfum revient,
entêtant, jamais capiteux. Musique des
cassettes que nous composions. Équipement
élémentaire où le son détaché prenait la
couleur des sourires.
Une fin d'été
un jardin provençal et
nos respirations saccadées.
Pas un souffle, les cigales
ont terminé leur symphonie
de la journée. Dans l'air,
le goût fondant des lourdes
figues, les herbes ont brulé,
les courges s'alourdissent.
Il ne reste que le fort parfum
du fenouil acre au palais.
Sur la margelle d'une antique
meule, quatre têtes penchées,
actives dans l'effort répété.
Elles découvrent, en forçant
la coque, le fruit de l'amandier
bientôt grillé et salé. Leurs
parents dans l'ombre de la
maison vont et viennent et
montent à l'étage le trophée
de leurs petits, si bien aimés.
Une mère
Dors paisible, les mains sur ton ventre croisées,
tes enfants ont grandi qui battent le pavé.
Il n'y a pas si longtemps leur peau était fragile
et ton regard aimant s'abreuvait de leurs larmes.
Qui une fleur, qui un baiser, je les vois déjà, tous
les quatre, tout aimants, te faire leur hommage
car par toi, un beau jour, ils sont hommes venus.
samedi 25 mai 2013
Coulées
Cinecitta
Pignons
dégarni. Bruit sec. Elles roulent
et s'oublient.
Le vent cesse et les dessèche.
Nuit noire. Froid vif.
Le soleil est déjà haut quand
l'enfant les cueille, une à une.
Tante et mère les écartent
minutieusement, faisant tomber,
une à une, les lourdes graines
rouge foncé.
Un petit marteau les assiste dans
ce petit travail qui prendra bien
deux heures. Le bol s'emplit de grains
oblongs comme l'épeautre.
Les pignons sont là, lisses et gras qui
feront le délice de l'enfant et de ses frères.
Te savoir devant l'écran
si proche, si loin.
Silencieuse et discrète,
l'œil vif.
T'imaginer faisant ton marché
aux herbes parmi des milliers
de photos. Couleurs vives ou
tonalités ternes.
Une forme, un sentiment fugace,
un support ferme pour tes mots.
Te savoir devant l'écran,
et écrire pour crever ton silence,
comme la fourchette perce le
jaune tiède entouré de poivrons.
Furète, hésite, ondoie et te régales,
je veille. En silence.
Famille
La vie en couleurs
Midi, midi le juste
la journée tranchée au couteau
comme un oignon de Toulouges.
Instant infinitésimal et que l'on
prolonge, hors des conventions,
dans la chaleur franche de la famille.
Non loin, un couple de comédie musicale
chante Joue contre joue. Le repas rissole,
rien n'existe plus en dehors de ce temps
béni, de ce temps gratuit. Mes parents
ont grandi, qu'il me soit donné de vivre
longtemps encore, avec eux, une myriade
de midis.
La grâce, l'inspiration
ni comment elle vient car je la
sais femme.
Un mot, un vers, une senteur,
une image puis tout s'enchaîne
jusqu'au final, ce point d'orgue
qui, seul, peut-être, est ma marque
de fabrique. Une jubilation d'écrire
pour sûr...
Te lire
La pluie n'est rien, les mots sont tout
je ne sais si un jour je partirai en volant.
Peu m'en chaut, je vole déjà très haut ;
la pluie n'est rien, les mots sont tout.
L'échange ondoie, se développe, avec lenteur
et respect, entre qui, voilà peu, ne se parlaient
plus. Attente, impatience lente, enthousiasmes
furtifs ou durables. Boire l'autre pour se retrouver
soi-même. Les pierres vives étaient là, silencieuses,
pour maintenir le lien en germe et provoquer son printemps.
inespéré.
Pour mon Jérôme
Il pleut
et le printemps fuit qui
n'était pas venu.
Sur les carreaux, des pleurs
figés. Par milliers. Une goutte
par âme souffrante, par âme
fanée. Eau pure détrempée
que le ciel sans transcendance
a distillée et que la sale vie
n'a pas encore touchée. Ma vue
se brouille qui cherche les rivages
et Minorque me manque, mon île
adorée, aux mains d'aigrefins qui
la veuillent souiller. Parmi ces gouttes
sages, comme figées, j'en circonscris
vingt-deux et j'en fais un sourire que
j'envoie au plus haut de mes enfants chéris.
Boire le souffle
que dès lors qu'il est tiède,
tiède de vie passée, de rencontres,
d'amour ou d'amours, de bons repas
lentement préparés pour un sourire
furtif et une main serrée. Alors il se
boit plutôt que de se respirer, passe
dans les cellules et irradie. Si jamais
on vous croise dans les rues, votre
sourire, alors, dira beaucoup.
Infiniment.
Sensation
À Jérôme
ne sont rien face aux vingt-deux
années de sa présence poétique
parmi nous.
Héritier du Philémon de Fred, il
n'a cessé de traquer la beauté
gratuite du monde jusqu'à
l'infiniment petit.
N'est-il rien de plus beau pour
un père que de se faire expliquer
la vie par l'un de ses fils ? Si
d'aventure vous longez
le Jardin des Plantes de Paris,
vous le verrez sûrement dans
un bâtiment du Muséum, la
tête dans ses étoiles à lui,
sous un microscope.
vendredi 24 mai 2013
Chemins
J'aime le vers libre et refuse
le poème en prose qui noie
les mots dans le sens.
Verticalité sans transcendance,
le poème libre livre, au hasard
du ballet des yeux,
des chemins neufs, des cadavres
exquis délicieux. Mille poèmes
en un seul.
Suivre
Ton sac de mots
Ton sac de mots
nourrit les miens.
Ton rythme est mon
tempo. Te lire, c'est
aspirer tes lettres,
et t'inscrire. Durablement.
Tanka échange, pour M B
Temps
Marées amères
amarres à ma mère.
Les mots et les sons
jouent et dansent. Combien
aurais-je vécu de marées
dans ma brève existence ?
À raison de deux par jour
en mer d'opale. Peu, trop
peu. Et pourtant un grand
nombre. Amères marées, iodées
sel de la vie et du mouvement
lent qui toujours ragaillardit.
Chevauchée
Filigrâme
je crois en l'âme, au-delà du
corps et de l'esprit. Cette
âme qui nous définit et nous
marque. Seuls quelques-uns,
aimants, âmants, savent la
discerner et nous voyons la leur.
Le sourire de la Joconde nous parle
que nous reconnaissons enfin.
jeudi 23 mai 2013
Lire et relire, relire sans fin
je ne cesse de te relire et tes
mots glissent entre mes doigts
comme sable de rivière. Les mères
ne donnent pas la seule vie, elles
donnent les mots, la langue. Et les
hommes lisent ou miment par leurs
écrits. Que l'attente est belle de Jérôme
voici vingt-deux ans sous ton trait. Lune
pleine. Plume lente. Offerte à ce garçon
longiligne qui préféra courir plutôt que
de marcher. Pour notre immense joie.
Marées, à J.
Portrait
La belle dame brune et son écuyer
Elle, décharnée, désincarnée, toute
âme et somptueuse élégance,
Lui, le fripon sympathique, bretteur
assagi, aux yeux de braise. Elle, la
musique, lui les paroles. Moins de
quatre minutes hors du temps et pourtant
si actuelles. Les écouter se rejoindre,
c'est savourer pleinement l'en-deçà de la
mort.
Sandales
Te lire
dans le lit et depuis ne sais que faire.
Je regarde un film profond sur un printemps
qui ne dura que quelques heures et je me lève,
souvent, pour regarder le vent glacer mon jardin
et, plus près, ma fenêtre en ombre sur Sichuan.
Tu as écrit et la chaleur entre peu à peu en moi.
Une chaleur élémentaire, essentielle. Le bleu de
ciel des pervenches et la lourde nappe des blés
chère à Péguy. L'été se profile, dans tout juste un
mois et quelques heures, quelques heures de printemps.
D'ici là notre échange aura doré et les fruits seront gonflés.
Chaleur
À G. M.
Quelques vers de Georges Moustaki...
Pour un oui pour un non
Pour Marie ou Ninon
Pour que passe le temps
Un peu plus tendrement ...»
mercredi 22 mai 2013
Deux rectangles de lumière
Deux rectangles de lumière,
l'un, petit, en long ; l'autre,
grand, en large
et les vers s'effilent sur
près de cent kilomètres.
Qu'importent le temps et
les convenances, ils savent
tous deux que leurs langues
s'appellent et se répondent
leurs mots. La nuit même,
qui a mille yeux n'est pas
épargnée : ils chantent.
Hommage à Léo ferré : la mémoire & la mer
Fragmentaire
Orientalisme
la fascination du désert sec. La
caravane passe et la dune ploie
dans le soleil brûlant du zénith.
Sous les tentes, les hétaïres alanguies
goûtent aux dattes allongées et sucrées.
Leurs lèvres retiennent la douceur du
miel et la lumière n'est plus à l'horizon.
Poètes, Fromentin et autres invités
tendent les mains vers l'oasis de couleurs,
ils plisssent leurs yeux de bonheur
et oublient les jours pluvieux de la Rochelle.
Tutelaire
Électuaire
Ancêtre du médicament, sorte de préparation
pâteuse que l'on tranchait avant de l'ingérer.
Premier faux-sens reçu, en cours d'espagnol.
Nous traduisions de la langue classique.
Une lecture hâtive donna lieu à une mise en
scène comique sur la consommation des confitures
au Siècle d'Or. Je relis le Covarrubias à l'instant,
me rends compte de l'erreur et éprouve aussitôt une
immense tendresse pour cette vieille dame qui sut nous
donner de la langue tous les sucs. Et même plus.
Homo faber
La tête me tourne devant tant de vanité.
Celui que je préfère, c'est l'homo faber
des philosophes et d'un romancier.
Son physique ingrat, son opiniâtreté,
sa joie d'enfant quand il découvre l'outil
d'un jeu de doigts, entre pouce et index.
La vie lui fut donnée, le goût de la perfection
aussi. Front bas, il œuvre. Les silex se biseautent.
Les cathédrales ne sont pas si loin, au bout de
son pinceau de raison. De l'aube au crépuscule,
dans la peur des ténèbres, il ne se lasse jamais.
Il met en œuvre la nature adorée.
Ô combien je voudrais lui ressembler avec les mots
que le ciel m'a donnés par poignées. Dés subtils,
à cent faces et mille points. Que l'on me donne un mot,
au hasard et je m'y attellerai avec flamme en homoncule
fabrien. Ce mot, ce soir, ce sera... électuaire.
Orfèvre des mots
Minotaure
Le colimaçon
en entendant ce mot ?
On voit plutôt la forme harmonieuse,
d'un escalier ombreux ployant sous
les pas lourds. Pourtant le colimaçon
fut escargot petit, cagouille fort espiègle
que les enfants gardaient dans une boîte de
carton troué avec une feuille de laitue pour
l'observer tracer son chemin d'aliments. Le
printemps qui se traîne et se dessèche enfin
m'y fait songer à l'instant. Longeant le canal,
sur les branchettes grêles d'un fenouil, j'en
vis un, un seul, qui faisait corps avec la tige
sèche. Sa coquille était fine, comme de porcelaine
de Sichuan. Et sur son dos se dessinait la forme
harmonieuse... de mon escalier si ombreux.
mardi 21 mai 2013
liberté et contrainte
que donne la contrainte.
Fermé, onctueux, l'alexandrin,
à l'hémistiche atteint son
équilibre. Fragile, incertain,
perfectible, hasardeux,
merveilleusement hasardeux.
La nuit, nourrie des alexandrins
d'Alceste à Bicyclette, m'en a fourni
un, un seul, et épuisé, à ma table de travail
j'ai composé en seize minutes un sonnet à la
française avant de me rendormir. Un sonnet
buissonnier, primesautier, et sous bien des
aspects, dérisoire et donc humain, vivant,
simplement, intensément.
Jouer à fermer les yeux
perdre les couleurs et le
volume, pleurer de la noirceur
et tendre les mains en avant.
Les doigts sont si sensibles
que la soie est nuance. Alors
on ferme ses yeux aveugles,
en fronçant les sourcils,
pour repeindre le monde de
l'enfance, désuet, aboli,
circonscrit autour de l'école,
de soi puis des enfants.
Il est des mots
et me laissent pensif au bord du
chemin. Passage est de ceux-là.
Ta photo l'enlumine de vert et le
serre tout à fait. Oblong, touffu,
il est la petitesse éternisée.
Si le trépas enseigne l'au-delà
de la mort, le passage est toujours
en deçà. La vie en mouvement libre
et paradoxalement contraint. Serre-toi
et sens le passage renaître. Les yeux
se ferment, le visage se dissimule car
au terme du passage est l'infini de l'être,
pour un instant ou plus, beaucoup plus.
Le passage
Évasion
Attendre et sourire
regarder le fil de l'eau et t'y attendre,
savourer le moment où je te cueillerai.
M'en étonner, m'en étourdir, tant tu
trouves les mots et les photos qui siéent,
en quelques touches etsais relancer
mon écrit qui s'épuise.
Sonnet du vent qui passe
le matin dans les vignes et le soir reposé,
un tourbillon soudain pour un baiser osé,
et puis plus rien du tout jusqu'au cœur du jeudi.
-Tu es un bel escroc, une encyclopédie,
de bruits et de fureur, tu as trop chinoisé,
et loin d'ici, très loin, iras t'embourgeoiser.
À moins que tu ne veuilles, regagner l'Arcadie...
- Je ne t'ai rien promis et n'ai fait que passer ;
de tes propos fripons, j'en ai vraiment assez.
Va, je te laisse enfin, seule toute à l'absence
du vent, du souffle aimant, puisque ne veux comprendre
car d'autres voudront bien qu'avec elles je danse,
redanse et danse encore. Pour enfin les surprendre.
Deux vers, ou trois
pour t'observer sourire,
au réveil quand ma main
te tiédit.
Mais la parole va vite,
les vers sont dépassés
et je cours à ma perte,
alors
je me retiens et songe
au café qu'il te faut avaler
avant de te laver,
et de filer...
Précieuse insomnie
je cours, saute et souris, les pieds encore calés
dessous le drap serré.
N'était l'heure tardive, le sommeil des voisins,
je dévalerai l'escalier et courrai dans le gravier,
sous la lune rêvée, sous la lune perdue.
Mais je ne puis rien et demeure engoncé, alors
je confie à l'écran mes secrètes pensées,
et sur un glissement de doigt, le devoir accompli,
je cours me recoucher, moi qui n'avais pas bougé.
lundi 20 mai 2013
Sacré
le goût des grenades...
Tanka grenade
Les voyages non faits, les voyages à faire
pris dans la toile d'un quotidien furtif,
à ces voyages que le temps a rendu nécessaires,
maintenant que les enfants ont grandi et que l'œil
se dessèche à voir et à revoir la route étroite alentour.
Pense aux voyages à faire et que nous ferons ou nous ne
ferons pas, auxquels nous songeons, le soir, en fin de semaine,
face à l'écran mat de rêves trop petits pour nous et pour
nos espérances. Tu voyages dans ta tête. Je le fais aussi.
Tes langues sont anciennes, les miennes le sont moins.
Mères et filles, elles parlent de la vie et du sang des
accouchées. Voilà pourquoi je n'ai jamais aimé l'esperanto,
ce désespérant jeu de cartes d'un linguiste zélé, sans âme,
sans chair, sans personne pour le parler ou lui cracher dessus.
J'aime la langue qui pleure, fado du finisterre portugais ou
saudade du métis brésilien, j'aime la langue qui rit et rugit,
les forces basques et les levers de pierres écossais. Le babil
de l'enfant au berceau porte en lui l'Odyssée et la Divine Comédie
et le râle de qui se meurt ferme des pages jaunies que d'autres,
à leur tour, ouvriront. Delenda est Cartago. De toute façon Carthage
devait tomber en poussière mais de génération en génération,
l'introït de Caton l'Ancien, voyage et nous façonne. Irrésistiblement.
Un jardin en pente
la grille grêle des express.
La pluie ruisselle et la terre
s'épuise.
L'été, le feu tombe qui frise
les sucrines. Les courgettes
se terrent sous les feuilles
desséchées.
Je me revois, chapeau ample,
marchant lentement dans la
terre meuble et poudreuse.
Le temps
s'arrête et le jardin glisse
vers les parallèles d'acier.
Combien de temps durera le
répit ?
Paon
Heures patientes
balancier grave et lourd,
tantôt vers elle, tantôt vers lui.
Un même lieu se diffracte qui
requiert leurs baisers. Lieu du
passé, toujours vivant, senteurs
de fenouil et de gravillons goudronnés.
La route rénovée émarge le jardin
et déjà le vieux pin ruisselle de résine.
Non loin, sous l'abri, les ailes de métal
d'un scarabée endormi que les enfants
pilotent en faisant osciller son lourd volant
de fer. Heures patientes, coulez. Je la lis
et je prends déjà plaisir à m'imaginer
qu'elle me lira quand la page aura tourné.
Le hangar vert
Chevriers
Aubagne
avec, en son centre, entre Mistral
et Garlaban, un monde en miniature.
Nous y convoyions nos enfants qui
y apprenaient à lire l'espace, les métiers,
l'eau qui coule et qu'on ne voit plus, souillée
sous le parking en dur. J'aimais m'y promener,
les bras chargés de panisse ou bien de pompe
à huile. La dirigeaient des politiques à la Pagnol
qui se disaient communistes. Ces conservateurs
à la figure ronde étaient des Peppone rubiconds
sans leur Don Camillo. J'aimais Aubagne, si proche
de la métropole et portant si distante. Sur les hauteurs,
vivait ta tante, au milieu de milliers de livres qui
prenaient l'eau l'automne et sentaient les champignons.
J'en ai rêvé cette nuit même et d'une librairie à double
entrée avec des journaux sentant bon, épais, gras d'encre
et des livres d'histoire exclusivement rédigés... en catalan.
Cavale
dimanche 19 mai 2013
L'initiatrice
Dans nos poèmes croisés, la première
tu invitas des photos. Glanées sur la toile
au hasard des hasards ou des désirs.
Dans notre fonds commun, aussi,
du plus doux au plus dur. Et moi qui
privilégiais l'écrit, me voici, parfois,
à jouer les illustrateurs. Par toi.
Poussière d'étoiles
des grains d'or. Tout un monde sur terre,
dans les eaux et dans les cieux.
J'en fais ma poussière d'étoiles que je
répands la nuit d'un geste vaste pour
t'amener à dormir. La sens-tu ?
Ce soir, ferme les paupières. Elles en
crisseront délicieusement.
Perdue
Dors
Il interroge la lune amie
et babille avec les astres.
L'immensité du chaos ne l'effraie qu'à demi.
Il se tourne vers l'image murale
pour s'inventer le monde silencieux
des chauves-souris.
Sa fabrique de rêves s'effiloche dans le firmament,
Ses petites mains cherchent en vain la caresse
et se perdent dans les ténèbres majestueuses.
Le voilà apaisé et serein
et ses lèvres de pourpre
ébauchent en cachette son sourire de bambin.
Fantaisie des pas
Perle
Rue des Élus, à l'enseigne verte et mauve
qui grince. Envie de courses en pâtins. L'appartement
est une enfilade de lumière avec un curieux appendice
où est notre bureau.
En ce temps-là, l'informatique balbutie. Ni PC, ni disque
dur. L'Atari met onze minutes à imprimer une petite page.
Nous sommes au cœur de Reims. Des amis précieux, trop vite
partis.
En ce temps-là, nul besoin de Top Chef ou de Master Chose,
Franck maîtrise la cuisine qu'il tient aux opulentes Crayères.
Sa poularde demi-deuil est un délice. Le champagne une découverte
tardive.
Tu m'as exhumé le lieu et depuis je le visite. En détail, avec
ferveur. Étonnamment je le vois sans meuble, nous qui en avions si
peu. Et je revois cette enseigne verte et mauve d'un numéro 46
où nous étions heureux.