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mardi 25 mars 2014

Trois impressions passagères

LA JEUNE FILLE AUX PISTACHES

Elle est assise à côté de moi et accompagne
sa mère à une rencontre poétique, son rythme
n'est pas le nôtre. Elle tire de minuscules pistaches

d'une boîte étroite en aluminium puis elle les fend
et les ingère sans ciller. Les pistaches sont sans fin.
Pourtant elle cesse soudain de grignotter et remplit

la boîte qu'elle avait vidée. De coques menues, de reliefs
incertains. La nappe nettoyée, elle nous regarde enfin.

Curieusement, au même instant, l'atelier poétique lui
aussi cesse. Les pages repliées, l'apéritif pourra commencer.
Sans moi. Je serai déjà loin. La tête dans les étoiles.

LA JEUNE FEMME AU LIVRE EN CHINOIS

Elle s'est assise à côté de moi, jamais je ne verrai son
visage. Les cahots du TGV ne l'empêchent pas de tourner
avec parsimonie les pages d'un livre en chinois. Sur le papier

bouffant, étincelant, les idéogrammes se détachent noblement.
J'en vois peu par page. Beaucoup moins que sur une page occidentale.
Serait-ce un livre de poèmes ? Je ne sais ni ne saurai. Le train arrive

à son terminus, la jeune femme ferme le livre et s'en va, sans bagage.
Qu'adviendra-t-il de ce livre dont je perçois tout juste qu'il livrait un
soupçon d'humanité à un rescapé de la Babel désenchantée ?

LE JEUNE HOMME EN LEVITE

Le métro fait halte à hauteur du Marais. Un jeune homme monte. Il
est coiffé d'un chapeau noir à larges bords, le corps serré dans une
lévite étroite. Il semble pensif. Pourquoi pensé-je tout à coup à

Walter Benjamin dont Paris au XIXe siècle accompagne mon séjour
dans la capitale ? Je ne sais. Je pense aussi au restaurant de Jo Goldenberg,
rue des Rosiers, où je déjeunai il y a quelques année de poissons fumés

de la Baltique. Cette fois-ci, c'est moi qui descends pour rejoindre le Quartier
Latin. Où se rendait ce jeune homme qui caressait une barbe aussi grêle que
la mienne ? Peu importe. Là encore devait y battre une chaude humanité.

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